L’exposition La morsure du détour, présentée à Mains d’Œuvres au printemps 2024 et à la Bibliothèque Universitaire de Paris 8 a été commissariée par Luce Cocquerelle-Giorgi.
L’exposition propose un regard sur la recherche et la création des quatorze artistes diplômé·es de la promotion 2023 du Master Pratiques, Histoires et Théories de la Photographie de l’Université Paris 8.
Des amitiés, des sourires en coin, des mots liquides et des phrases qui grondent… Parmi les chuchotements, des liens invisibles relient quatorze artistes, récemment diplômé·es du Master Pratiques, Histoires et Théories de la Photographie de l’université Paris 8. Étrangère à leur histoire commune, à ces deux années passées à étudier et à tordre le médium photographique, j’ai tenté d’articuler leurs complicités et de débusquer les voies secrètes qui les unissent. À l’embranchement d’un questionnement sur le regard, une notion a émergé de leurs pratiques – celle du détour. De leurs œuvres surgissent des passages-secrets, des sentiers tortueux et des recoins, où l’on peut se cacher et se révolter. Bifurquer n’est pas sans risque. Sur la peau rougie subsiste l’empreinte du détour. Une morsure comme un paysage charnel.
Dans le ventre, grandit parfois le désir de s’écarter des sentiers battus et de se lover au creux des virages. Le détour défait le chemin tracé, l’étire et le recompose. Flânerie biscornue, il nous incite à la contemplation et à la patience. Notre obligation ? Porter notre attention à ce qui nous entoure, à ces petits riens qui nous échappent et aux yeux qui nous surveillent. Dans cette promotion, tou·tes les artistes s’emparent d’espaces physiques, tangibles ou fantasmés, et lézardent le réel de récits intimes. Une géographie plurielle, composée de 90 soleils, de souvenirs du Chili, d’un vent breton, d’un chapiteau mouvant et d’une île imaginaire.
Prendre la tangente est aussi une histoire de survivance et de dissidence. Le détour contient en lui l’action de déranger et de dévier des directions ou des identités imposées. Hybrides et farouches, les œuvres présentées dans l’exposition opèrent, chacune à leur manière, un détournement. Les techniques photographiques sont subverties et les sujets réappropriés, pour mieux bouleverser notre rapport aux images. Il faut se méfier des apparences : les cartes postales sont trompeuses, les végétaux violents et les autoportraits n’en sont pas vraiment. Sous-jacente à l’urgence de créer de nouvelles narrations, une autodétermination libre et poétique se dessine.